Marcel Rickli
AEON
Le Château de Gruyères ouvre ses portes à AEON, un projet de recherche visuelle mené par Marcel Rickli depuis 2018. Entre les murs de la forteresse médiévale, l’artiste zurichois présente une fascinante exploration des sites hautement sensibles dont la mémoire doit impérativement être transmise aux générations futures.
Pénétrant dans d’impressionnantes, mais discrètes, constructions, le photographe donne à voir tant les théâtres d’expérimentation scientifique que des zones de dépôt de déchets radioactifs issus de l’industrie énergétique, de la médecine ou de la recherche. Entre documentaire et création artistique, Marcel Rickli lève le voile sur ces nouveaux tombeaux d’éternité, monuments destinés à contenir la menace sur des centaines, voire des milliers d’années. À travers ses images, l’artiste teste également notre capacité à transmettre des informations sur une période qui dépasse celle de l’écriture humaine et, pour signifier le danger, il élabore des modes de communication qui puissent supporter l’épreuve du temps.
Commissaire d’exposition
Filipe Dos Santos
Vernissage public
Vendredi 10 mars, à 18h30
«… le photographe compose des vues à l’inquiétante sérénité, qui empruntent à l’esthétique futuriste autant qu’aux mystères de la matière brute.»
Marcel Rickli
Depuis 2011, Marcel Rickli (*1986) explore la manière dont nous modifions radicalement notre planète. Les besoins de l’humanité en énergie et en ressources ainsi que les impacts environnementaux qui en résultent avec des conséquences souvent graves et irréversibles, constituent le leitmotiv de son travail. Ses séries photographiques rendent compte de manière impressionnante de l’Anthropocène, cette époque où l’homme est devenu le facteur d’influence le plus important sur les processus biologiques, géologiques et atmosphériques de notre planète.
Pour l'éternité
Dans la série AEON, Marcel Rickli met en lumière la gestion des déchets nucléaires. Constituant un danger pour la biosphère sur plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires, l’isolement de ces rebuts létaux s’accompagne de l’impérieuse nécessité d’en informer les générations futures.
Parcourant l’Europe, Marcel Rickli s’est rendu en Finlande, en République tchèque, en Grande-Bretagne ou en Suisse pour découvrir des sites d’enfouissement et des laboratoires de recherche. De ses pérégrinations, le photographe rapporte les images du chantier du premier espace de stockage final destiné à accueillir prochainement des déchets nucléaires à grande activité (Olkiluoto, Finlande). Il livre encore celles de stupéfiantes unités de confinement sécurisées ou saisit des paysages apparemment paisibles sous lesquels des restes toxiques ont imprudemment été déposés. Outre ces dispositifs monumentaux, il pointe son regard sur les matériaux destinés à contenir les radiations, ceux dont les propriétés physiques sont susceptibles de protéger du danger, ou met en scène dans ses œuvres des histoires non documentées.
Si le génie humain – mis d’abord au service de la production d’énergie nucléaire, puis à celui du traitement de ses séquelles – est invoqué dans ce projet, l’artiste ne manque pas de souligner l’incidence de l’opération sur le temps. Intitulée AEON, soit «pour l’éternité», la série insiste sur l’obligation de conduire la procédure sur une période qui s’égrène en siècles, voire en millénaires. Elle pose ainsi la question de la transmission mémorielle de ces dispositifs aux générations futures et aux formes de communication qui doivent impérativement être développées pour assurer la perpétuation de l’information. La jeune histoire de l’écriture, au regard des temps nucléaires, et des langues humaines ne permettent pas de garantir cette sauvegarde. Pour cette raison, Marcel Rickli invoque les travaux de philosophes, sémioticiens ou écrivains et met en images des propositions de modes de communication susceptibles de résister à l’épreuve du temps. Langue et culture mouvant sans cesse, l’artiste investigue la matière et les répertoires de formes pour façonner, modéliser et tester différents types de signaux à portée universelle.
Dans la presse
On en parle dans l'émission radio Vertigo, à écouter sur RTS La 1re